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Biblio

Les villes sont bâties pour toi. Elles t’attendent dans la liesse.
Les portes des maisons sont grand’ouvertes. Le repas
Est déjà servi.

Comme les villes sont très grandes,
Pour ceux qui ne savent quel est le programme, il y a des plans
Dressés par des connaisseurs
Et qui vous montrent clairement le chemin le plus court
Pour arriver au but.

Comme on ne connaissait pas tous vos désirs par le menu
On attend bien sûr vos propositions pour mieux faire.
Ici ou là
Il y a peut-être quelque chose qui n’est pas entièrement à votre goût
Mais on le changera dans les plus brefs délais
Sans que vous deviez trop vous tracasser.

Bref : vous arrivez
En de bonnes mains. Depuis longtemps on a tout préparé.
Il ne vous reste qu’à venir.

Bertolt Brecht, Extraits d’un manuel pour habitants des villes

En revenir toujours à l’objet lui-même, à ce qu’il a de brut, de différent : différent en particulier de ce que j’ai déjà (à ce moment) écrit de lui.
Que mon travail soit celui d’une rectification continuelle de mon expression (sans souci a priori de la forme de cette expression) en faveur de l’objet brut.
Ainsi, écrivant sur la Loire d’un endroit des berges de ce fleuve, devrai-je y replonger sans cesse mon regard, mon esprit. Chaque fois qu’il aura séché sur une expression, le replonger dans l’eau du fleuve.

Francis Ponge, Berges de la Loire, La rage de l’expression, Paris, Poésie /Gallimard, 1999, p 9-10.

On conviendra que c’est l’extériorité que problématise Saussier. À l’inverse d’un modèle psychologique où le moi existe plein de ses significations avant d’entrer en contact avec le monde extérieur, elles permettent une expérience qui admet que le moi se réalise en s’extériorisant. La vision et la représentation de soi et de l’autre se modifient sans cesse dans l’expérimentation. (...) Autrement dit, les photographies de Saussier ne font pas image. Elles renvoient le spectateur à sa propre définition. Celui-ci est pris dans une confrontation entre la perception de lui-même en tant qu’image et ce qui mine cette perception, entre vision et engagement dans la vision (et par là même une forme particulière de corporéité), entre formes fixes et formes mouvantes, variables à l’infini. Partages d’une réalité et d’une fiction, les propositions de G. Saussier ne fixent pas les gestes et un récit, mais, bousculent le travail de définition stable de la mémoire des images. La photographie, cette trace fragile, circule entre les corps et les regards. Le spectateurn’ est assujetti à aucune juste place. Engagé dans la complexité du processus représentationnel, il reste libre, dispose de ses mouvements, de ses émotions et de ses jugements. Son regard se déplace en même temps que les objets et sa pensée (même théorique) est migrante.

Emmanuelle Cherel : L’appartement témoin, de l’invité au citoyen, Revue 303, 2004.

Lors de la journée de l’itinéraire, la personne interviewée devient guide. Il institue un parcours sur un territoire et sa parole jalonne en le parcourant sa mémoire au présent. Le sociologue l’accompagne. Un photographe témoigne de cette journée en prenant un cliché à chaque modification de parcours, temps d’arrêts, variations du mouvement ou changements émotionnels perceptibles, le dialogue est entièrement enregistré. Ce dispositif ritualise la journée, l’équipe est repérable, l’expérience sera unique et non-reproductible, Quelque chose d’explicite va se livrer dans l’instant. Il s’agit bien d’un rituel qui repose sur l’initiation du chercheur. Le parcours n’est pas seulement le déplacement sur le territoire de l’autre, c’est en même temps un déplacement sur son univers de références. Le territoire est à la fois celui qui est expérimenté et parcouru dans l’espace-temps de cette journée, et celui du récit métaphorique. L’interviewé nous livre en situation une histoire au présent et la mise en scène de cette journée particulière confère à son récit la portée d’une parabole.

Jean-Yves Petiteau, Elisabeth Pasquier, La méthode des itinéraires : récits et parcours in L’espace urbain en méthodes sous la direction de Michel Grosjean et Jean-Paul Thibaud Edition parenthèses, 2001, Marseille.

Toute la présence sonore est ainsi faite d’un complexe de renvois dont le nouage est la résonance ou la « sonnance » du son, expression que l’on doit entendre –entendre et écouter aussi bien du côté du son lui-même, ou de son émission que du côté de sa réception ou de son écoute : c’est justement de l’une à l’autre qu’il sonne. Là où la présence visible ou tactile se tient dans un « en même temps » essentiellement mobile, vibrant de l’aller-retour entre la source et l’oreille, à travers l’espace ouvert, présence de présence plutôt que pure présence. On pourrait proposer de dire : il y le simultané du visible et le contemporain du visible de l’audible.

Jean-Luc Nancy, A l’écoute, Paris, Galilée, 2002, p 36.

Les îles ne sont pas seulement des envers du continent, elles autorisent par rapport à l’histoire une relation permanente d’altérité. Hors d’atteinte du remembrement et de l’urbanisation, ces terres conservent des traces de l’enfance. Les initiés des îles, loin du regard du monde (celui des autres adultes), peuvent maintenir une société secrète de l’enfance, protégée de l’érosion du temps’.

Jean-Yves Petiteau & Isabelle Rolland, Itinéraire de Jean Bricard, in Interlope la curieuse 9/10, Revue de l’école des Beaux-Arts de Nantes, juin 1994, p 193-211.